Lettre adressée aux députés et sénateurs

Paris, le 29 avril 2024 

Objet : prise en charge des mineurs – évènements particulièrement dramatique – violence des jeunes. 

M. Le député, Mme la Députée, 

Au regard d’évènements particulièrement dramatiques, c’est la violence des jeunes qui est sous les projecteurs et pour laquelle des réponses fleurissent ici et là. 

La Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), après avoir mis en place le CJPM à marche forcée avec le déstockage de bon nombre de dossiers pour partie responsable des situations dégradées que nous connaissons aujourd’hui, nous apprend qu’elle a des projets en cours. Il s’agit de faire suite aux annonces du Premier ministre qui souhaite apporter des réponses pour les mineurs de moins de 16 ans ainsi que des mesures pour responsabiliser les parents. 

De quoi s’agit-il ? : 

– D’une expérience de partenariat entre l’éducation nationale (EN), la préfecture, la PJJ, le conseil départemental pour mettre en place un dispositif à destination des élèves en difficulté sur la base du volontariat dans une logique de cibler les décrocheurs scolaires… Permettez-nous de rappeler que ce dispositif existe déjà sous la forme d’un partenariat PJJ/EN mené dans les unités éducatives d’activités de jour (UEAJ) et les classes relais. Il s’agit d’une procédure à destination des décrocheurs scolaires ! 

– De développement des internats scolaires… Ce dispositif a déjà été mis en place avec les résultats que l’on connait ! 

– D’un stage d’actions d’intérêt civique (AIC) pour agrandir le panel des réponses pénales pour les procureurs en cas d’alternative aux poursuites (13/16)… Là aussi, nous rappelons que les stages existent déjà et que la nouveauté consistant à intégrer une remobilisation scolaire ne peut justifier l’annonce d’un nouveau dispositif. D’autant plus que dans les faits les stages démontrent des possibilités d’adaptation selon les besoins repérés ! 

– D’un projet d’accueil de nuit en unité éducative d’hébergement collectif (UEHC) se situant entre le couvre-feu et le placement… Nous défendons le placement dans son entièreté et non morcelé car cela n’a aucun sens ! Qui plus est, à l’heure où l’on manque déjà de places et où les ressources en personnels ne sont pas suffisantes ! 

Mais les annonces ne s’arrêtent pas là dans la mesure où désormais, c’est au principe d’atténuation de responsabilité que le gouvernement souhaite s’attaquer. 

Le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) prévoit déjà que ce principe puisse être écarté pour les plus de 16 ans ! Alors que pourrait on vouloir de plus ? 

Derrière toutes ces annonces, il y a une constante visant à démolir le travail social, à chercher la responsabiliser les jeunes et incriminer les parents en cas de difficulté. 

Pour l’UNSa SPJJ, il n’est pas de notre volonté de soustraire qui que cela soit de ses responsabilités, mais encore faudrait-il considérer le problème dans sa globalité. 

Les jeunes qui étaient autrefois des enfants à protéger, sont désormais des individus dangereux et violents. Alors la solution serait de considérer qu’ils doivent répondre de leurs actes comme s’ils étaient des adultes. Concrètement, cela signifierait un changement radical de paradigme, nous transposant dans la logique d’un système ultra libéral où désormais tout reposerait sur la responsabilité individuelle. 

Sans angélisme de notre part et sans esprit partisan, mais avec un regard pratique et professionnel, cela répond à un raisonnement assez simpliste, occultant d’objectiver la situation dans son ensemble et par conséquent, de se poser aussi la question de la responsabilité de l’État ? Elle est absente des radars… 

Nous assistons à un désengagement de l’État qui ne perçoit même plus le rôle qu’il doit tenir en matière de cohésion sociale. 

Que dire de la Loi Taquet voulant réformer l’aide sociale à l’enfance (ASE) mais dont les décrets d’application ne sont toujours pas sortis ! Et que dire de la PJJ qui annonce des coupes dans son budget alors même que celui-ci n’est déjà pas à la hauteur des enjeux dont nous parlons ? 

Il en résulte une politique préventive exsangue…Si l’on prend l’exemple des départements, chacun gère les financements à sa guise donnant lieu ainsi à de véritables iniquités sur les territoires en matière de financement de l’ASE. Ainsi, des départements préfèrent privilégier des équipements auto routiers plutôt que des actions de prévention… Pire, certains départements pourtant excédentaires font le choix délibéré de ne pas accorder de crédits suffisants à l’ASE… 

Cela peut conduire à la mort de certaines équipes de prévention dans des banlieues sensibles. Mais cela peut conduire aussi à des prises en charge non effectuées alors que des placements ASE sont prononcés par les magistrats au titre de l’enfance en danger. 

Des placements non exécutés ou des mineurs qui attendent un an avant d’être placés, alors qu’ils sont maltraités au domicile… Des jeunes placés à l’hôtel sans accompagnement dont certains se sont suicidés ces derniers temps. Et la liste n’est pas exhaustive ! 

Une politique de prévention exsangue avec comme conséquence l’arrivée de jeunes à la PJJ dans des états de plus en plus dégradés souvent couplés avec des problématiques psychiatriques. 

Voilà la réalité dont personne ne parle !… Depuis de nombreuses années, nous dénonçons la paupérisation de nos métiers, la paupérisation des budgets de la PJJ. 

Au-delà des discours ici et là, le désengagement de l’État est à même d’être constaté par le peu de moyen qu’il engage pour la jeunesse. 

Alors qui est violent avec qui ?… Nous osons poser le débat, contrairement au Premier ministre qui condamne sans aller au fond, peut-être pour des raisons électoralistes. 

Nous, nous sommes loin de ses considérations et concentrés au quotidien sur les problématiques de prise en charge et d’accompagnement des mineurs. Nous ne disons pas qu’il n’y a pas de sujet à traiter. Bien au contraire, nous affirmons même qu’il y a un vrai problème avec la jeunesse mais contrairement à monsieur Attal, la responsabilité n’est pas là où il la situe ! 

Et ce n’est pas en augmentant les caméras de surveillance et en instaurant des dispositifs de couvre-feu que le problème se règlera au fond ! 

Quant à la Chancellerie et la direction de la PJJ, comment peuvent-elles croire en de tels dispositifs pour régler la question de la jeunesse en difficulté ? 

Plutôt que d’annoncer de nouveaux projets dont personne ne comprend le sens, il conviendrait de réaffirmer les dispositifs qui fonctionnent et d’exiger les moyens nécessaires pour permettre aux professionnels de les développer. 

Or la direction de la PJJ continue sa gestion sans objectif clair ni plan défini avec les résultats que l’on connait ; au contraire d’une politique ambitieuse et cohérente, car on sait que si la prévention n’est ni forcément visible ni quantifiable, elle paye sur le long terme. 

Oui, nous affirmons que la PJJ dispose des dispositifs et du savoir-faire pour prendre en charge les mineurs en difficulté. Par contre, nous manquons de volonté politique et de moyens pour soutenir la qualité des prises en charge. 

La question est focalisée sur l’urgence à apporter une réponse à l’opinion publique. L’UNSa SPJJ en appelle à la raison, au devoir de responsabilité surtout quand il est question de l’avenir de notre société à travers la prise en charge de nos mineurs. 

A ce titre, l’UNSa SPJJ souhaiterait pouvoir vous rencontrer afin d’échanger et développer avec vous, plus en détail, les problèmes auxquels nous faisons face et vous présenter nos réflexions et propositions. 

Dans cette attente, veuillez agréer Mr Rufin l’expression de notre profond respect.